ROCHEFORT


 

Histoire

Personnages et Personnalités
François Crépin
NOTICE SUR FRANÇOIS CRÉPIN né à Rochefort le 30 octobre 1830, mort à Bruxelles le 30 avril 1903

I.                     La vie, les origines, l'enfance, l'éducation.

Rien n'est plus intéressant que de démêler dans les traits, dans le caractère, dans la tournure d'esprit d'un homme distingué, les multiples influences qui l'ont fait tel qu'il est, afin de reconnaître par quoi il répète l'un ou l'autre de ses ancêtres et par quoi il innove dans sa lignée, ce dont il est redevable à l'éducation et ce qu'il doit au hasard des circonstances, — ou, si nous voulons  parler le langage des naturalistes, — de chercher à faire en lui la part de l'hérédité, du milieu et de la variation personnelle. Mais, pour mener à bien une telle étude, il faudrait avoir su d'avance qu'un littérateur, qu'un artiste, qu'un savant naîtra un jour dans une famille donnée et s'être, comme on dit, « documenté » copieusement sur les membres de cette famille, depuis plusieurs générations.

Au sujet de l'ascendance lointaine de François Crépin, nous savons seulement que sa famille est originaire du Nord de la France : famille modeste et travailleuse, issue de Marcel Crépin(de Gateau-Cambrésis (France), lequel vint s'établir à Rochefort, dans l'actuelle province de Namur, au commencement du XVIII*' siècle. Le père du savant dont nous retraçons la biographie, était JeanFrançois-Joseph Crépin, l'aîné d'une nombreuse famille : il fit des études de droit à Bruxelles, en 1816-1817, fut nommé greffier de la justice de paix, en même temps que percepteur des postes à Rochefort, sa ville natale, et y devint juge de paix en 1847. Il exerça cette fonction jusqu'à la mise en vigueur de la loi de 1867, qui fixait des limites d'âge pour les magistrats. Il était, en outre, inspecteur cantonal de l'enseignement primaire. Il mourut à Rochefort en 1875, à l'âge de 83 ans.
Comme il arrive si souvent pour les hommes qui ont marqué par leur mérite, François Crépin doit aussi beaucoup à sa mère, née MarieJosèphe Hastire. Elle était la fille d'un médecin de Wavreille, fixé à Saint-Hubert, où il est mort du typhus, à 32 ans, en 1840. Femme de grand cœur et d'une intelligence supérieure, elle lisait énormément et fut, jusqu'à la fin de sa vie, le guide infaillible de toute la famille. C'est sans doute d'elle que François Crépin tenait surtout son caractère sérieux et son intelligence affinée. Notre futur botaniste était l'aîné de cinq enfants : il avait trois frères et une sœur (2).

 Son instruction fut assez originale (3). On l'avait fait entrer à l'école primaire, à Rochefort. Mais il ne s'y plaisait pas du tout et ne montrait aucun zèle pour l'étude. Ses parents en étaient fort affligés. Que faire? On le confia, vers 1844, sur son propre désir, à un ami de la famille, jeune instituteur communal du village de Wavreille (à 5 kilomètres de Rochefort), M. Romain Beaujean, de sept à huit ans plus âgé que lui et pour qui il éprouvait une vive sympathie. Il n'est que juste de constater que M. Beaujean eut sur son développement intellectuel une grande et heureuse influence.
Le jeune François ne fréquentait point l'école de Wavreille : leçons, devoirs, exercices divers se faisaient à domicile, et cela d'autant plus aisément que l'élève et le maître occupaient la même chambre dans une maison du village. Il étudia ainsi le français, l'arithmétique, la géographie, l'histoire et surtout les sciences naturelles, pour lesquelles le maître avait un goût très marqué et qui étaient l'étude favorite de l'élève. M. Beaujean maniait habilement le crayon et le pinceau : il sut aussi faire de son élève un bon dessinateur. L'un et l'autre n'avaient que de modestes ressources; cependant, la petite bibliothèque de M. Beaujean renfermait, fort à propos, quelques ouvrages scientifiques solides, et le jeune François se plongeait dans leur lecture.
C'étaient les Cahiers d'histoire naturelle^ de MilnerEdwards et Achille Comte, les Nouvelles suites à Buffon; puis la Faune de la Moselle de Fournel, et la Flore de 8 la Moselle, de Holandre, ouvrage que François Crépin consultait souvent; la Flore luxembourgeoise, de Tinant; celle des Environs de Spa, du D' Lejeune, « le père de la flore belge », comme Crépin devait l'appeler plus tard; l'excellente Flore des environs de Paris^ de Gossen et Germain, etc. Il y avait, à côté de la chambre habitée par Télève et le professeur, une grande pièce inoccupée qu'ils eurent tôt fait de s'annexer.
C'est là que l'on déterminait les plantes et les insectes, rapportés des promenades, là que Crépin préparait et épinglait ceux-ci, séchait celles-là, avec un soin minutieux. La collection d'insectes ne fut toutefois pas continuée très sérieusement et toute l'attention se concentra, dès lors, sur l'herbier. Gomme le maître et l'élève étaient jeunes tous deux, et tous deux animés du même feu sacré, rien ne les arrêtait dans leurs courses vagabondes.
Tantôt, on gravissait les coteaux escarpés et arides des terrains calcaires de la Famenne, tantôt, en explorant l'Ardenne toute proche, on arrivait à des gorges sauvages, ou bien, on risquait de demeurer enlisé au milieu des fondrières des terrains fangeux. Maintes fois, il fallut que l'un des camarades aidât l'autre à se tirer d'une position critique et lui tendit, d'une main secourable, le bâton à tête recourbée, qui est l'alpenstock des Ardennais. Mais aussi quel bonheur de vivre ainsi au grand air, de pénétrer, chaque jour, plus avant dans l'intimité de la nature environnante! Les moindres découvertes d'espèces rares : fleurs non encore cueillies, insectes capturés pour la première fois, faisaient événement et stimulaient à de nouvelles recherches.
Nous pouvons assister ici par la pensée à ce spectacle, 9 toujours passionnant : une vraie vocation qui germe et s'affirme. Celle de Crépin s'annonça de bonne heure et ne cessa de s'accentuer. C'est d'abord l'enfant qui aime à collectionner les herbes ou les papillons. Puis, il se familiarise peu à peu, avec eux, il en reconnaît, de mieux en mieux, les formes, il en distingue les variétés diverses, il les compare, il les groupe, il les classe. Il s'intéresse à leur vie. Il s'efforce de découvrir les enchaînements qui rattachent les espèces les unes aux autres, les traits communs qui s'y retrouvent, les lois qui président à leur distribution. La curiosité enfantine s'est transformée en attention scientifique : un naturaliste est éclos. Il nous a dépeint lui-même, dans l'introduction de son Manuel les joies qu'occasionnent ces émotions juvéniles. « Quel est, dit-il, le botaniste déjà âgé qui ne se rappelle avec bonheur ses premières déterminations, faites au milieu des campagnes, et qui ne se souvienne de sa fierté d'alors, lorsqu'il pouvait nommer une Anémone, une Renoncule, ou distinguer la Drave printanière parmi les autres Crucifères?
Quel est celui qui n'a point conservé le souvenir de ces premiers temps, alors qu'on commence à balbutier le langage scientifique et à parler d'étamines, de pistil, de corolle, de feuilles caulinaires et de feuilles radicales. L'esprit scrutateur, ingénieux du jouvenceau était toujours en éveil et se portait tour à tour sur les objets les plus variés. Il observait, d'un regard pénétrant et amusé, les mœurs et les travers des braves villageois. Il notait leur langage et leurs superstitions.
Puis, il se divertissait à établir des roues hydrauliques ou d'autres ouvrages sur un petit canal de 20 à 30 centimètres 10 de largeur, qui servait à l'irrigation d'une prairie voisine de l'habitation de Wavreille. S'il découvrait un ancien instrument de musique abandonné, une horloge, un réveil-matin hors d'usage, vite il en faisait « l'autopsie », afin d'en connaître le mécanisme et l'agencement des différentes pièces. Ce désir constant de s'instruire et cette pétulance n'étaient point pour déplaire à M. Beaujean, qui déclare avoir connu, dans sa longue carrière, peu d'élèves aussi heureusement doués; mais il jetait dans une inquiétude permanente la bonne vieille villageoise chez qui l'on demeurait. « Je ne sais, disait-elle en soupirant au professeur, ce que vous ferez de ce garçon-là, ni ce qu'il deviendra. 11 n'a pas une minute de repos et je n'ai plus aucune tranquillité : vous verrez qu'il me fera mourir !! » IL Fonctions administratives passagères. Études en secret.
Le séjour d'un an environ à Wavreille avait donc opéré en François Crépin une révolution complète : ce jeune homme, naguère si peu studieux, ne parlait plus maintenant à ses parents que d'étude et d'achat de livres. Son rêve eût été de se consacrer uniquement à « l'aimable science », comme on disait alors. Mais il fallait songer à l'avenir et il ne semblait pas que la botanique pût constituer une carrière lucrative. (Qui oserait prétendre que c'en soit une, même aujourd'hui?)

Rentré à Rochefort, il céda aux instances de ses parents et, en attendant mieux, se fit agréer en qualité de commis au bureau local de l'enregistrement.
Le ciel me préserve de mal parler d'une administration si importante ! Mais elle fournit un aliment un peu maigre pour une intelligence avide de savoir, et le nouveau commis se consolait en se livrant, avec son frère Henri, à de véritables débauches de lecture. Ils caressaient même ensemble l'idée ambitieuse de s'initier à la connaissance du latin, en suivant la méthode jacotot, alors très en honneur (5).
Tout leur argent de poche s'en allait chez le libraire, à Bruxelles, et c'était fête pour eux chaque fois que le facteur des messageries Van Gend leur apportait un nouveau paquet de livres.
D'ailleurs, l'entomologie et la botanique n'étaient pas négligées, et les deux frères, armés de leurs sacs, boites et godets, faisaient de fréquentes excursions, qui n'étaient pas sans intriguer les bonnes gens de la commune.
Vers la fin de l'année 1849, un concours ayant été ouvert pour la nomination de plusieurs surnuméraires dans l'Administration des postes, le jeune François y réussit et put décrocher le brevet convoité, qui l'amena en avril 1850 au bureau des postes de Namur.
Là, il fallait piocher sur les chiffres et les statistiques. Heureusement qu'à cette époque son frère cadet Henri entra comme commis au bureau de l'enregistrement de la même ville, dont le receveur était un ami de M. Crépin père.
Grâce à ce rapprochement, les deux frères continuèrent à s'instruire de conserve. Mais l'aîné ne pouvait disposer entièrement de ses dimanches, ce qui formait obstacle aux longues excursions auxquelles ils s'étaient habitués à Rochefort. Cette circonstance, jointe au caractère trop matériel de ses occupations postales, détermina François Crépin à se démettre de ses fonctions de surnuméraire et à devenir commis de l'enregistrement dans le même bureau que son frère.
Le receveur hébergeait ses deux commis et les accueillait à sa table, en échange du travail assidu qu'il exigeait d'eux. Ils crurent pouvoir employer les soirées à leurs études favorites, et le dimanche, qui était jour de congé, était consacré à de grandes courses botaniques, d'où l'on revenait les boites vertes remplies de plantes, destinées à l'herbier commun.
Les deux frères étaient des marcheurs infatigables : ils ne ménageaient ni leurs jambes ni leurs peines, et parvenaient ainsi à enrichir leurs collections sans grands frais. Un samedi soir, leur journée de travail achevée, ils se mettent en route, pédestrement, pour Rochefort et parcourent pendant la nuit les 50 kilomètres qui les en séparent; ils y font une longue herborisation, puis reprennent le dimanche soir la route de Namur, afin de pouvoir recommencer leur tâche administrative le lendemain à 8 heures du matin.
On peut attendre beaucoup de jeunes gens capables de rester trois jours et deux nuits sans dormir, tout en accomplissant à pied un trajet de plus de 100 kilomètres. Mais le receveur ne l'entendait pas ainsi. C'était un bureaucrate austère et convaincu.
L'amour de la science lui apparaissait, chez les deux jeunes gens, placés sous son autorité, comme une infidélité coupable à l'égard de la besogne légitime. Aussi leur signifia-t-il que désormais il ne voulait plus voir de lumière dans leur chambre une fois 9 heures sonnées. Peine inutile. De cette chambre dépendait un placard, sorte de réduit servant à remiser les vêtements.
 Les jeunes botanistes y installèrent une petite table et, après avoir fermé la porte, ils pouvaient, à la faveur de bougies achetées en secret, s'y livrer à leurs chères études; ils dépistaient de la sorte les argus du voisinage qui renseignaient M. le receveur sur les lueurs nocturnes qu'on remarquait chez lui avant l'emploi de ce stratagème! Une lutte si inégale ne pouvait cependant durer longtemps..

Après un an de séjour chez le vieux receveur, François Crépin reconnut qu'il était tombé de Gharybde en Scylla et qu'il n'avait décidément pas plus la vocation de l'enregistrement que celle des postes. Il retourna dans sa famille, qui lui fit bon accueil et lui permit de continuer ses études botaniques. m. Herborisatious et premières reolierclieB.
Le voici, à partir du printemps de 1852, libre de suivre uniquement son penchant. Bien que l'on n'aperçut pas du tout quel parti il pourrait tirer plus tard de ses recherches scientifiques, il était encouragé par sa mère, qui voyait dans le perfectionnement intellectuel un but au moins aussi louable que la poursuite des moyens matériels d'existence. Au demeurant, elle espérait toujours que le reste viendrait par surcroît : sa confiance clairvoyante ne devait pas être déçue.

De 1852 à 1860, François Crépin explore en tous sens une grande partie de la Belgique, surtout les provinces de Namur, de Luxembourg et de Liège, le vasculum au côté, le déplantoir suspendu au poignet et, à la main son solide bâton ardennais, en bois de chêne. Il vit parmi les herbes sauvages qui exercent sur lui une sorte de fascination, il les dissèque, il apprend de plus en plus à connaître la flore indigène, il mène l'existence qu'il souhaitait, sans nul souci du lendemain, sans nulle ambition que de savoir. Il est heureux. Ses carnets d'herborisation, proprement lignés, méthodiquement tenus, remplis de sa petite écriture verticale et régulière, nous le montrent herborisant du printemps à l'automne, presque tous les jours.

 Souvent ce ne sont que des promenades dans les pittoresques environs de Rochefort et de Han-sur-Lesse, assez souvent aussi il s'agit de véritables excursions botaniques, de la durée d'une semaine environ. Il arpente les plateaux de l'Ardenne, il s'enfonce dans la forêt de Saint-Hubert, il escalade les rochers de la vallée de la Meuse, de la Lesse, de la Semois, de l'Ourthe, de l'Amblève... En 1854, il visite le Plateau des Tailles (baraque de Fraiture) ; en 1859, il parcourt les dunes du littoral. C'est l'Ardenne surtout qu'il étudie à fond, c'est à « son Ardenne » que vont ses plus vives sympathies. Dans une excellente monographie botanique qu'il lui consacrera plus tard, il en parle en un langage enthousiaste et coloré, qui ne lui est pas habituel. Ce passage, à propos duquel il s'excuse lui-même de s'être laissé entraîner, comme il dit, à une « description légère » , mérite d'être transcrit : « Si le paysage [ardennais] est sombre et triste sur les hautes-fagnes, il est par contre d'une fraîcheur et d'un pittoresque admirables dans les vallées. Je voudrais la palette du peintre et la plume du poète pour dire et peindre les beautés des bords de l'Amblève, de l’Ourthe, de l'Homme, de la Lesse et de la Scmoy ; je voudrais l'œil du premier et l'enthousiasme du second pour décrire les lignes grandioses des montagnes, les contours capricieux et charmants des rivières, pour faire sentir le charme des sites si nombreux, entasses en quelque sorte dans les vallons et les gorges de l’Ardenne.
Remonte-t-on l'Amblève de MonJardin à Stavelot, on trouve à chaque pas de quoi admirer ; à droite et à gauche sont de belles pentes, 15 recouvertes de ces fraîches forêts où les cîmes des arbres forment mille figures, semblent se confondre, mais se distinguent néanmoins suivant les essences diverses. A Coo, on est surpris, au détour d'un coude brusque de la rivière, de se trouver en face d'une cascade, admirablement encadrée dans le fouillis de verdure de ses bords. A Trois-Ponts, on quitte la gorge profonde qu'on avait suivie depuis Remouchamps, pour se trouver dans une vallée large, où l'Amblève reçoit la Salm, sur les bords desquelles sont groupées les blanches maisons du village. Continuant la montée, on vient déboucher dans une sorte de plaine, au centre de laquelle est étendue la petite et riante ville de Stavelot^ dont les nombreuses tanneries sont échelonnées le long de la rivière. Les alentours de cette localité sont intéressants par la beauté du pays et par la richesse de sa florule. Même chose peut être dite de Viel-Salm et d'Houffalize.
La vallée de l'Ourthe ne le cède pas à l'Amblève surtout vers Laroche, où viennent converger de nombreuses gorges latérales, qui rendent les environs extrêmement accidentés. Par cette foule de sentiers, qui rayonnent autour de Laroche et s'élèvent en se cramponnant, pourrait-on dire, aux flancs des roches et des pentes abruptes, on jouit à chaque instant d'une nouvelle perspective. Tantôt, on domine la large vallée de l'Ourthe, encaissée dans ses bois et ses rochers, tantôt l'œil plonge dans un vallon romantique, au fond duquel s'étale une fraîche prairie traversée par un ruisselet dont les eaux vont se jeter sur les roues d'un moulin. Nulle part ailleurs, en Belgique, on ne peut trouver une telle richesse de sites. Aussi Laroche est-il chaque année, pendant toute la belle saison, mais surtout aux vacances d'août et de septembre, le rendez-vous habituel des naturalistes, des dessinateurs, des simples amateurs de la nature. A celte saison, dans les auberges, les boîtes d'herborisation se cognent aux attirails du peintre, du chasseur ou du pêcheur, et, à table, le botaniste, le peintre, le poète et les simples curieux ne tarissent pas sur les ressources naturelles des environs.
A l'une des extrémités de l'Ardenne, nous pouvons encore admirer la majestueuse vallée de la Semoy, qui, des Forges Roussel, en aval de Florenville, jusqu'à Bohan, nous offre une succession d'endroits extrêmement pittoresques. Je recommande surtout à l'amateur une des gorges latérales, la vallée du ruisseau de Vresse et d'Orchimont. Là, il trouvera et des plantes rares et de belles prairies, des rochers magnifiques et de ces bois qui font regretter au botaniste de n'être pas peintre. Enfin, je ne finirais pas si je voulais parler de tout ce que les Ardennes offrent de beautés naturelles... (7) », La lecture des journaux d'herborisation de Crépin donne l'impression d'une activité continuelle, d'un travail sérieux et opiniâtre. Il y inscrit soigneusement les espèces récoltées, celles à rechercher chaque année, les observations à faire. En vue d'un voyage à Verviers, par exemple, qu'il accomplit en juillet 1859, il prendra la peine de dresser d'avance, dans le carnet de cette année, la liste de toutes les plantes intéressantes signalées par Lejeune et d'autres dans la région : elles sont au nombre de cent douze et, pour la plupart d'entre elles, il y a des indications sur les caractères qui permettent de les reconnaître et les stations qu'elles préfèrent. Gela représente vingt-quatre pages, d'une écriture serrée, pour la préparation d'une seule course.
Loin de s'attacher exclusivement aux formes rares, il se préoccupe aussi de la distribution géographique des plantes  vulgaires et, dès 1854, il tient note de la nature des terrains visités. C'est vers 1855, qu'il doit avoir étudié l'ouvrage classique de Thurmann(8)sur la géographie botanique du Jura, qui agit profondément sur son esprit; et, à partir de cette année, nous le voyons faire attention à l'exposition chaude ou froide, abritée ou ombragée, à la station sèche ou humide, à la nature des roches, etc., où croissent les divers végétaux rencontrés.
Les courses étaient rarement solitaires. Il est parfois accompagné de son frère Henri ou de son frère Joseph, qui devait devenir médecin, parfois de son maître et ami Romain Beaujean ou d'un républicain français, agronome de mérite, proscrit du 2 décembre, Pierre Joigneaux; souvent, il herborise avec un autre réfugié français, le Dr Charles Moreau, médecin fort distingué, qui résidait, comme Joigneaux, non loin de Rochefort à Saint-Hubert.

La Belgique, à qui les ambitions du Second-Empire ont fait traverser des heures si périlleuses, n'en doit pas moins à l'homme de Décembre une vive gratitude pour avoir contraint à l'exil une si grande partie de l'élite française : les réfugiés payèrent largement, par leur apport d'intelligence, de science et de culture, l'hospitalité cordiale qu'ils reçurent chez nous. Ces réflexions se présentent d'elles-mêmes quand on voit quelle influence heureuse le Dr Moreau — fervent amateur de botanique et esprit très cultivé — a exercée sur Crépin. Celui-ci s'est plu à le déclarer : « Ses conseils, sa conversation savante ont été pour moi, — écrit-il en 1860, — depuis bientôt dix ans, un véritable enseignement(y)». Les bases de la connaissance de la flore belge avaient été solidement établies par Roucel, l'auteur du Traité des plantes les moins fréquentes qui croissent naturellement dans les environs des villes de Gand, d'
Alost, de Termonde et de Bruxelles, et surtout par le D' Lejeune, de Verviers, dans son Compendium fîorae belgicae, publié de 1828 à 1836, avec la collaboration du D' Courtois. Cette étude avait ensuite été assez négligée pendant les vingt premières années d'existence du jeune royaume.
Mais vers 1850, une génération nouvelle avait repris avec ardeur les recherches abandonnées. Des médecins, des pharmaciens, des ecclésiastiques, des professeurs de sciences, des instituteurs, des magistrats, des rentiers, quelques dames employaient leurs loisirs à collectionner des plantes. Ils étaient disséminés dans tout le pays; ne se connaissant guère, ils restaient confinés chacun dans son canton, et ne pouvaient aboutir à aucun travail d'ensemble. Peu à peu, l'actif botaniste de Rochefort 18 entre en relations avec eux. et devient le trait d'union qui leur manquait. Il se fait communiquer leurs trouvailles et leur fait part des siennes, il stimule leur zèle, il entretient avec eux une correspondance formidable et incessante, des échanges de spécimens s'établissent. Le jeune comte Alfred de Limminghe (qui fut assassiné à Rome, en 1861) avait réuni au château de Gentinnes des herbiers considérables et de précieux livres de botanique : il les mit libéralement à la disposition de Crépin. Le R. P. Bellynck en fit autant pour la riche bibliothèque du Collège Notre-Dame de la Paix, à Namur, où il était professeur*. Le baron de Sél ys-Longchamps nous apprend que notre botaniste, ne se trouvant en possession que d'une bourse très modeste, copiait souvent, par économie, le texte et les planches des ouvrages qu'on lui avait prêtés (lOj : c'est ainsi qu'il fit une copie des Roses de Redouté et des quatre feuilles de la carte géologique d'André Dumont.
 Souvent il recevait des éclaircissements ou des renseignements utiles d'Edouard Morren, professeur à l'Université de Liège; de l'abbé Strail, curé de Magnée, prés de Liège (chercheur de plantes si passionné que sa servante même avait acquis le flair botanique!); de Remacle, juge à Verviers; de l'abbé Eugène Goemans, paléontologiste et, surtout, mycologue de grand mérite, qui devint un de ses meilleurs amis ; de Frédéric Gavet, qui explora à fond les environs de Louette-Saint-Pierre (province de Namur) ; de Fenninger de Gand, dont l'esprit éclairé ne fut pas sans action sur son évolution intellectuelle ; de Scheidweiler, un pharmacien allemand devenu professeur de botanique à l'Ecole d'horticulture de Gand, qui, par son véritable sens scientifique, rendit à notre horticulture des services signalés et auquel Crépin 19 devait succéder plus tard; etc.
Son cercle épistolaire ne s'arrêtait pas aux frontières de la Belgique : l'étranger aussi, des botanistes connus, tels que le Dr Wirtgen à Coblence, Schultz de Deux-Ponts, J. Gay à Paris, Babington à Cambridge, étaient ses correspondants réguliers.

 En même temps, il s'appliquait avec acharnement à acquérir la connaissance indispensable des grandes langues scientifiques étrangères : l'anglais, l'allemand, un peu d'italien, sans négliger le latin, dont il avait déjà auparavant commencé l'étude. Il réussit aussi, au début de 1853, par un réel tour de force, à rassembler la somme nécessaire (150 à 160 francs) pour acquérir un microscope de Chevalier, de Paris W, Afin de remplir un peu son escarcelle, il n'hésitait pas à se charger de travaux de copie et même de reliure, pour le compte de deux notaires, amis de la famille.

 IV. Premières publications.

Ses premières publications scientifiques datent de cette époque. Dès 1852, il s'était abonné au Bulletin de l'Académie royale de Belgique, et le spectacle mensuel du mouvement scientifique de notre pays ajoutait un stimulant de plus à ses recherches. « En connaissant, tous les mois, ce que les savants ont découvert, on est pris, écrivait-il, du noble enthousiasme de les imiterCl'^). » Un an à peine plus tard, il adresse à l'Académie une Note de deux pages dont celle-ci décide l'impression, non sans exprimer quelques réserves (13). n s'agit d'un Galeopsis trouvé par lui à Ciergnon et à Rochefort, en compagnie des Galeopsis 20 ladanum et ochroleuca (= villosa), et qu'il tient pour un hybride de ces deux espèces : il faut bien reconnaître que les commissaires de IWcadémie, Jean Kickx II et Martin 3Iartens, n'avaient pas tort d'objecter qu'il ne fournissait pas la preuve de cette affirmation.
La même année, l'Académie accueille une autre courte Notice de lui sur deux Menthes qu'il regarde comme hybrides, et en 1859, un fascicule de « Notes sur quelques plantes rares ou critiques de la Belgique », qui fut suivi, de 1862 à 1866, de quatre autres fascicules sous le même titre. Ce premier fascicule renferme des observations sur une cinquantaine de formes dont l'auteur discute les caractères ou la dispersion. Encore qu'il s'en soit défendu dans la suite (1^), il est assez porté à admettre ici la distinction spécifique de types très voisins l'un de l'autre, d'espèces affines ou petites espèces, comme on les a nommées. C'est ainsi qu'il sépare, de VHypericum perforatum VHijpericiim tineolatum, du Tlilaspi perfoUatum le Thlaspi erraticiim, du Filago germanica le Filago lûtescens, le tout à l'exemple de cet excellent observateur, Alexis Jordan, dont il devait plus tard combattre vivement les idées.
En fait de trouvailles nouvelles pour la flore belge, Crépin mentionne surtout une intéressante plante arctique et alpine, le Lycopodiiun alpinum, qu'il avait découverte, en 1854, entre Odeingne et la Baraquede-Fraiture, à 650 mètres d'altitude. Les débuts de notre jeune savant furent salués avec joies par ses aines : dès 1853, le Dr Westendorp, habile mycologue, lui dédiait un Sphaeria Crepini; l'année suivante, le bon Dr Moreau, dont il a été question plus haut, imprimait dans la dernière livraison du « Dictionnaire d'agriculture », au mot Triglochin, cette phrase élogieuse et prophétique : « Nous devons la connaissance de cette espèce à M. Crépin, de Rochefort, jeune botaniste très distingué, plein de zèle et d'ardeur pour la science, à qui il ne manque qu'une tribune ou une occasion pour se faire connaître, et qui, nous en sommes convaincu, fera un jour honneur à la Belgique ». B.-C. Du Mortier, déjà célèbre à des titres divers, lui écrivait à peu près la même chose : «... Je suis heureux de voir de jeunes auteurs entrer dans la carrière, et je dois ajouter que je n'en connais aucun dont les travaux aient un côté plus savant que les vôtres et présagent un plus bel avenir... »
Des encouragements venaient de Cambridge, par la plume de Babington ; et le vieil Elias Pries, presque septuagénaire, adressait, de la lointaine Upsal, des louanges latines : « valde laetor mihi obviam venisse botanicum juniorem, qui plantas religiose observât, nec hodierna levitate nec singulum levem lusum specie distinguit, nec omnia subsimilia sine examine coacervat(i5) »

 . V. Le Manuel de la Flore de Belgique.

 Mais ce n'étaient que des coups d'essai, et Crépin s'était attelé à une tâche plus ardue. On a vu qu'un renouveau se manifestait, à dater de 1850, dans l'étude de la flore indigène. Par ses herborisations nombreuses et approfondies, par ses échanges de plantes, par sa vaste correspondance et, surtout, par son coup d'œil pénétrant, joint à un esprit critique et pondéré, le botaniste de Rochefort était tout désigné pour dresser 22 le bilan de cette activité renaissante. Nul mieux que lui ne pouvait doter le pays d'une flore vraiment moderne, digne de remplacer les livres remarquables, mais maintenant vieillis, de Roucel ou de Lejeune et Courtois.
Le projet avait grandi et mûri, peu à peu, dans son esprit. D'abord, il n'avait eu l'intention de rédiger qu'un catalogue. « En reconnaissant les erreurs qui pullulent dans les ouvrages indigestes, publiés depuis quelques années sur notre flore, je viens de me décider, écrit-il dans une lettre familiale du 12 octobre 1853, à entreprendre un catalogue raisonné des plantes de ce pays, dans lequel je passe en revue toutes nos plantes indigènes ou dites indigènes, et où je note les espèces qui, suivant les données de la géographie botanique, peuvent encore y être découvertes. Le travail que j'avais déjà commencé l'année dernière, dans l'intention de le publier, je l'ai recommencé et suis arrivé à la famille des Rosacées. Sur quatre cents espèces passées en revue, plus de soixante-dix sont déjà mises à l'index, pour cause de mauvaise détermination, de fausses indications, etc. » Le mois suivant, ce catalogue est terminé. Mais, au lieu de se hâter de le faire paraître, Crépin veut étudier le sujet mieux encore et se renseigner davantage.
En 1854, il comprend l'utilité qu'il y aurait à cultiver les formes végétales dont il désire contrôler la fixité ou observer les modifications.
Il crée pour cela, dans les dépendances de la maison paternelle (rue Jacquet, à Rochefort), un petit jardin botanique qu'il entretient, pendant plusieurs années, avec un soin extrême.
Il lui sembla bientôt qu'il y avait à faire autre chose qu'une simple énumération et, en 1859, il s'ouvre à son  conseiller et ami, le D' Moreau, de son intention de publier une flore belge.
Le docteur ne se contenta pas de l'approuver chaudement : il lui promit que, grâce à M. Joigneaux, il lui procurerait un éditeur. Au mois d'août de cette année, le projet relatif à un Manuel de la flore de Belgique se précise. ¥. Joigneaux en a parlé à l'éditeur Tarlier, qui hésite à entreprendre l'impression d'un ouvrage purement scientifique : il risquerait cependant l'entreprise si on pouvait lui assurer d'avance deux cents ou deux cent cinquante souscripteurs. Aussitôt les amis de l'auteur mettent des listes en circulation et après quelques mois, une centaine d'adhésions ont été réunies. C'était moins que n'exigeait l'éditeur; mais Crépin, confiant dans le succès le son oeuvre, ne renonce pas seulement à demander aucun paiement (sauf cinquante exemplaires gratuits), il assume hardiment lui-même tous les risques de l'entreprise, et, quoique le manuscrit ne fût pas tout à fait achevé l'impression commence. Quel est l'écrivain — modeste ou glorieux, « scientiste » ou littérateur, peu importe — qui ne se souvienne avec quelque attendrissement de l'époque où s'imprimait son premier travail de longue haleine? Combien le débutant est heureux de voir se succéder et s'empiler les pages du livre, — de « son livre ! » — quelle préoccupation que la correction des épreuves et comme il les relit fiévreusement, d'un œil encore inexpert ! Puis viennent pour lui les alternatives inévitables de fierté et de crainte : aura-t-il le succès qu'il est certain de mériter, car une œuvre si tendrement couvée ne saurait être qu'un chef-d'œvre? Le public est parfois si 24 lent à se laisser entraîner, ou si injuste! D'ailleurs, l'auteur, pour peu qu'il soit consciencieux, se persuade bien, chemin faisant, qu'il y a des parties moins bonnes, dont il est moins satisfait, qu'il voudrait récrire en entier ; et il est des moments où il souhaiterait d'enfouir le tout dans ses cartons. Mais l'imprimeur est inexorable : il faut renvoyer les « placards » corrigés le plus tôt possible, il ne s'agit point de se lancer dans les frais de trop multiples changements, il importe de hâter le « bon à tirer », afin de dégager du « caractère », il faut, sans délai, fournir de nouvelles copies... Crépin passa, en 1860, par ces émotions diverses. Tout en corrigeant les épreuves, il travaille à l'achèvement du manuscrit : celui-ci fut terminé au mois de mai. Il ne reste plus qu'à écrire la préface. Par un sentiment louable de respect pour ses aînés, il dédie son œuvre « à la mémoire de Charles Morren et A.-L.-S. Lejeune ; à MM. B. Dumortier et J. Kickx. » C'est au mois de juin que le Manuel parut. L'auteur reçut la bonne nouvelle que le Gouvernement s'inscrivait pour cent exemplaires. Le D' Moreau rédigea un beau prospectus-réclame. La vente marcha bien. L'éditeur se montrait enchanté. De toutes parts affluaient les félicitations, et la Société d'horticulture de Namur lui décerna une médaille de vermeil. Ce fut un succès.

VI. Professorat à l'École d'horticulture, à Gand.

Cependant, il était temps de songer à se procurer quelque emploi rétribué. Crépin s'en rendait compte, et sa grande préoccupation, dont ses lettres de famille 25 portent maintes fois la trace, était d'en trouver un qui ne le détournât point de l'étude de la botanique. Une circonstance inattendue devait le servir presque malgré lui. L'année qui suivit la publication de sa Flore, la chaire de botanique et d'horticulture à l'École d'horticulture de l'État, a Gentbrugge lez-Gand, devint vacante par le décès inopiné de l'excellent Scheidweiler, qui avait lui-même succédé, en 1851, à Planchon. Des candidats à cette place se présentèrent en foule. Mais Crépin, qui ne possédait ni diplômes universitaires, ni expérience pédagogique, et qui avait la modestie des vrais savants, hésitait beaucoup à se mettre sur les rangs. Il avait été décidé que la chaire occupée par Scheidweiler serait partagée désormais entre deux titulaires : l'un pour la botanique, l'autre pour l'horticulture. L'abbé Goemans, qui était chargé du cours de morale et de religion à l'Ecole d'horticulture et qui tenait Crépin en haute estime, l'engagea vivement à postuler la première de ces deux fonctions; sa famille l'y poussait beaucoup, et il finit par se laisser convaincre. La publication récente de sa Flore avait, du reste, attiré sur lui l'attention du directeur de l'Ecole, Van Houtte, et, parmi les très nombreux concurrents, ce fut lui qui l'emporta (octobre 1861). Aussitôt la nomination accomplie, il s'agissait de commencer le cours sans retard. Le mois d'octobre n'était pas expiré que le nouveau professeur avait fait ses débuts de manière très convenable, étant données son inexpérience de l'enseignement et sa timidité. Certes la position n'était pas des plus lucratives (1,700 francs par an), mais elle avait ce double mérite de 26 placer notre naturaliste dans un milieu propice aux études botaniques et de lui permettre de s'y consacrer exclusivement.
Son fidèle ami, le D' Moreau, le lui écrivait avec raison: « Vous n'avez pas trop de temps pris par vos leçons et vous pouvez travailler, non seulement à préparer votre cours, mais, en outre, à faire avancer la science, et c'est là, à mon avis, un des grands avantages de votre position actuelle». A Gand, on l'avait très bien accueilli, et — ce qui était un fort bon signe — tout le monde avait plus de confiance en son savoir qu'il n'en avait lui-même. « Je n'ai rencontré partout ici que de la sympathie, » dit-il dans une des premières lettres qu'il adresse à sa famille. Peu à peu, il gagnait de l'assurance et se familiarisait avec le professorat, qui lui avait semblé d'abord si redoutable : la préparation de ses leçons devenait moins laborieuse et lui laissait plus de loisirs. D'après des notes que m'a fournies obligeamment un de ses anciens collègues(l8), on se convainc que Crépin était un professeur excellent, très dévoué, d'une exactitude exemplaire. Il a formé de bons élèves, et l'on trouve dans ses papiers des lettres débordantes de reconnaissance de plusieurs d'entre eux. Un Polonais lui écrira par exemple (en un style auquel je laisse sa saveur) : c( Parmi la centaine de Belges que j'ai connus, j'ai rencontré surtout trois nobles citoyens dont je conserverai la mémoire dans mon cœur jusqu'à mes derniers jours; et c'est votre nom, cher Monsieur le professeur, qui occupe la première place... (^9; ». Crépin sut inspirer à tous ces jeunes horticulteurs une vraie passion pour les herborisations. Un Anglais, 27 M. Harry Cripps, de Tiinbridge Wells, devint, sous sa direction, un botaniste de mérite; il mourut malheureusement jeune, des suites d'un refroidissement contracté dans ses courses botaniques, en Angleterre. Le directeur de l'Ecole, Van Houtte, ne faisait à Crépin qu'un seul reproche: il regrettait qu'il ne s'intéressât pas aux plantes exotiques ; il eût souhaité l'attacher à la rédaction de sa « Flore des Serres ». Mais Crépin voulait, avec raison, concentrer son effort sur la connaissance approfondie de la végétation indigène et sur quelques autres problèmes, tels que l'étude si difficile des Roses qu'il avait entreprise dès cette époque. Il travaillait beaucoup chez lui, sortait peu, ne fréquentait guère la société gantoise. Mais c'était un bon camarade et il est resté en relations amicales avec tous ses collègues, même après qu'il eut quitté Gand.

VI.  Préparation de la deuxième édition du Manuel.

 Pendant son séjour à l'Ecole d'horticulture, l'Académie publia les fascicules II à V de ses Notes sur les plantes rares ou critiques de la Belgique, travail minutieux qu'il définit lui-même: la Flore belge étudiée par fragments. Une cinquantaine d'espèces font l'objet de remarques dans le deuxième fascicule, entre autres une Épervière que notre auteur décrit sous le nom (ïHieracium mosanum^ mais qu'il ramena ultérieurement à VEieracium Schmidtii de Tausch, et une Grucifère qu'il regarde comme inédite et qu'il apelle Thlaspi neglectum; il devait aussi ne la considérer plus tard que comme une variété du Thlaspi perfoliatum. Ge fascicule est encore 28 intéressant en ce qu'il renferme les premières observations de Crépin sur les Roses, qui devinrent son étude de prédilection. Le troisième fascicule parut en 1863 : il est consacré, lui aussi à une cinquantaine de formes végétales, parmi lesquelles il convient de mentionner le Silène inflata sur lequel Crépin avait constaté, par la culture, certaines variations brusques et assez remarquables, et VIsoëtes echinospora^ que l'abbé Vandenborn, de SaintTrond, venait de découvrir en Belgique, ajoutant ainsi à notre flore une nouvelle famille de plantes vasculaires.
C'est encore une bonne cinquantaine d'espèces qui sont annotées dans le quatrième fascicule, daté également de 1863. Neuf espèces nouvelles pour la flore du pays y figurent, à la suite des trouvailles de Crépin et de ses correspondants, et sept espèces qu'on en avait exclues sont réintégrées dans leurs droits d'indigénat ; plusieurs, cependant, n'ont pas pu être maintenues dans la suite, entre autres l'intéressant Salvinia natans. Le cinquième fascicule, qui est de beaucoup le plus considérable, fut présenté à l'Académie en 1865 et publié par elle, non plus dans ses Bulletins, mais dans ses Mémoires. Il est complété, dans le même volume, par des « Additions ». Ce fascicule s'occupe de quatorze espèces nouvelles pour la flore belge et de sept autres, très rares, qui en avaient été indûment rayées. Mais il mérite surtout de fixer notre attention à cause des idées sur l'espèce, en général, que l'auteur exprime dans la préface et sur lesquelles nous aurons à revenir, et aussi à cause de ses observations détaillées sur les Rumex, les Potamogeton^ les Carex et les Glyceria. Les espèces halophiles de ce  genre de Graminées y sont étudiées d'une manière approfondie ; leur dispersion en Belgique est soigneusement établie; une espèce inconnue jusque-là de nos Aoristes, le Glyceria Borreri, est signalée dans nos polders, et Crépin élève au rang d'espèces une forme algérienne qu'il nomme Glyceria expansa et qui est très voisine du Glyceria festucaeformis, ainsi qu'une autre, du bassin de la Méditerranée, qu'il appelle Glyceria pseudo-distans, mais que l'on rattache généralement aujourd'hui au Glyceria distans. Tous ces travaux, en quelque sorte préparatoires, lui permirent de faire paraître, en 1866, une deuxième édition de son Manuel de la Flore de Belgique, bien supérieure encore à la première. Revisée avec un soin minutieu\, enrichie de l'indication de nombreuses variétés, semée de notes critiques qui ont disparu des éditions subséquentes, cette édition de 1866 est, à bien des égards, celle que les spécialistes préfèrent. Le succès de la première édition s'était traduit d'une manière palpable, et l'auteur en avait retiré, tous comptes faits, quelques centaines de francs de bénéfice. Pour la deuxième, l'éditeur Mayolez lui fit des conditions avantageuses : on tirerait à 1,500 exemplaires et il recevrait 1,000 francs, outre 50 exemplaires, dont 10 sur papier vélin.

VIII. Nomination à Bruxelles.

Direction du Jardin botanique de l'État. Jean Kickx II, qui occupait la chaire universitaire de botanique à Gand depuis 1835, vint à mourir, le 1" septembre 1864. Crépin se mit sur les rangs pour sa succès30 sion: il ne fut pas nommé. La place échut au jeune fils du défunt, Jean-Jacques Kickx, docteur en sciences depuis un an à peine. Une autre situation s'offrit à Crépin, un peu plus tard, cette fois dans la capitale. Notre savant confrère M. Ed. Dupont, déjà célèbre par ses travaux sur les populations préhistoriques de notre pays, avait été placé, en 18G8, à la tète du Musée royal d'histoire naturelle de Belgique et, sous son active impulsion, ce grand établissement scientifique avait été promptement réorganisé. En vue de la vaste et méthodique étude du sol belge et de ses habitants, qu'il cherchait dès lors à réaliser, il reconnut bientôt l'utilité qu'il y~ aurait à créer au Musée une section de paléontologie végétale : il n'existait, du reste, à cette époque, à Bruxelles, aucun dépôt public où pussent être conservées les collections de plantes fossiles appartenant à l'État. Il fit donc, en 1869, des ouvertures à F. Crépin. Gelui-ci était d'autant plus disposé à les écouter que l'École d'horticulture de Gentbrugge, par suite de diverses circonstances, subissait un déclin rapide. Très nombreux naguère, les élèves, en 1870, n'étaient même plus une dizaine. L'année suivante, les cours ne furent pas ouverts(20). Aussi voyons-nous Crépin se fixer désormais à Bruxelles. Les démarches de M. Dupont, vivement appuyées par l'abbé Eug. Goemans, aboutirent à le faire attacher au Musée d'histoire naturelle, et un arrêté royal du 25 mars 1872 le nomme officiellement conservateur à ce Musée, pour la section de paléontologie végétale. Goemans ne devait pas assister à ce succès de^on ami : il mourut au commencement de 1871.
Il avait exprimé  le vœu que ses collections paléontologiques appartinssent, après sa mort, à un établissement public : le Gouvernement belge les acheta à la famille du défunt et les remit au Musée d'histoire naturelle. Vers la même époque, le Gouvernement avait acquis, grâce surtout aux efforts de B.-G. Du Mortier, le précieux herbier de von Martius de Munich, et, faute d'un endroit mieux approprié, l'avait aussi déposé au Musée. Mais déjà au moment de cette acquisition, la reprise, par l'Etat, du Jardin botanique de Bruxelles était chose décidée en principe : \ votée à la Chambre (18 avril 1870) et au Sénat (16 mai), elle allait devenir un fait accompli par la promulgation d^ la loi du 7 juin de la même année et par le versement du prix d'achat, un million de francs, à la Société cédante. Il est inutile de refaire l'histoire du Jardin botanique de Bruxelles, à partir de sa création, en 1826, par la Société royale d'horticulture des Pays-Bas (devenue plus tard la Société royale d'horticulture de Belgique) jusqu'à sa transformation en établissement public. Les vicissitudes étranges qu'il traversa, sa déchéance graduelle du rang d'institution scientifique à celui d'entreprise mercantile, les négociations laborieuses qui s'échafaudérent autour de lui, les offres pécuniaires séduisantes que Barthélémy-Charles Du Mortier, commissaire du Gouvernement auprès de la Société, eut tant de peine à faire repousser par les actionnaires, enfin l'heureuse reprise par l'Etat en 1870, dont il faut surtout faire remonter le mérite à la ténacité de Du Mortier, secondé par le bon vouloir du bourgmestre de Bruxelles, Jules Anspach, et du Ministre de l'Intérieur, Eudore Pirmez, tout cela a été parfaitement raconté dans une Notice de J.-E. Bommer,  à la suite de laquelle se trouve aussi Texcellent rapport soumis par Du Mortier à la Chambre des Représentants m. Lors de la reprise, J.-E. Bommer, qui était conservateur des collections de la Société propriétaire du jardin, fut chargé provisoirement, par le Gouvernement, des fonctions de directeur, en même temps qu'un conseil de surveillance était nommé, sous la présidence de Du Mortier.
Il fallut beaucoup lutter au début pour assurer au Jardin une destination purement scientifique et pour y conserver les collections botaniques de l'État. Une société charitable, la Société de philanthropie, ne demandait-elle pas à disposer de la grande salie du Jardin botanique, pour y établir une exposition et y donner des concerts hebdomadaires, depuis octobre jusqu'à juillet? La Société des Aquarellistes formulait une requête analogue.
La Société de la Croix-Rouge pour secours aux blessés avait son siège social dans l'orangerie et aurait voulu l'y conserver... Quant aux herbiers de von Martius, de Lejeune, etc., c'est seulement après un an qu'on obtint leur transfert du Musée au Jardin. Durant peu de temps (1875), la direction du Jardin botanique et celle du Musée d'histoire naturelle furent alors réunies dans les mains de M. Dupont, avec Fr. Crépin pour secrétaire et pour agent comptable du Jardin, tandis que Du Mortier, par un partage bizarre, était chargé de la direction scientifique » (2).
Mais M. Dupont ayant donné sa démission de directeur du Jardin au bout de quelques mois, ce fut Crépin qui lui succéda, d'abord à titre provisoire (31 mars 1876) et bientôt définitivement (24 mai de la même année) : il est resté à la tête de cet établissement, durant vingt-cinq ans, ayant pris sa retraite le 31 octobre 1901.
C'est ici le moment d'envisager les services considérables que Crépin rendit au Jardin botanique pendant ce quart de siècle.
Au moment de son entrée en fonctions, comme le rappelait le regretté président du Conseil de surveillance du Jardin, Henri Doucet, lors de la fête offerte à Crépin en 1891, le personnel était un peu démoralisé par suite des changements assez nombreux qui s'étaient succédé en un court espace de temps. Il fallait le rassurer, l'harmoniser, fixer à chacun la tâche qui lui incombait dans le travail général : c'est à quoi Crépin réussit admirablement, grâce à son grand jugement, à l'aménité, à la cordialité de ses relations (24). De l'établissement commercial qu'était devenu le Jardin, il sut faire un véritable foyer de science et de haut enseignement.
Ceux-là seuls qui connurent le Jardin au moment où Crépin en devint directeur et qui le revoient dans son état actuel, peuvent se rendre compte de l'heureuse métamorphose accomplie. Dès la première année (1876), la galerie des herbiers est restaurée et devient le centre de l'activité scientifique de l'établissement ; les publications périodiques courantes y sont mises à la disposition des travailleurs. L'herbier reçoit des accroissements notables : Crépin fait don au Jardin de son herbier général, comprenant 17821 numéros, et de son précieux herbier belge, fruit de vingt-cinq années de recherches et d'études, qui comptait 8564 numéros ; grâce à la libéralité de la baronne Oscar de Dieudonné, de Louvain, l'important herbier d'Europe de feu son mari vint s'ajouter aussi à celui du Jardin : 3 34 sur les 10500 espèces, attribuées à l'Europe par le Sylloge de Nyman, près de 8700 y étaient représentées, et il renfermait, en outre, 1850 espèces non mentionnées par Nyman.
Une section de paléontologie végétale est créée. La collection systématique de plantes de pleine terre ou « Ecole de botanique » , comme on l'appelait, est complètement replantée, mais, par une concession compréhensible, quoique regrettable au point de vue scientifique, elle est classée d'après le système, factice et suranné, inventé en 1829 par Du Mortier. A cette « École » principale, le nouveau directeur en ajoute trois autres : pour les plantes officinales et vénéneuses, pour les plantes horticoles, pour les plantes alimentaires et industrielles(^5). M. Ed. Dupont avait imaginé pour le Musée d'histoire naturelle un mode d'étiquetage fort ingénieux, au moyen de planisphères, qu'il introduisit au Jardin pendant sa courte période directoriale ; Crépi n en étendit et en généralisa l'usage, et il a été, depuis, adopté dans beaucoup d'autres Jardins botaniques.
On sait en quoi il consiste : « Les plantes herbacées, les arbres et les arbustes sont pourvus d'une étiquette à deux compartiments. Le compartiment supérieur porte les indications ordinaires, tandis que, sur le compartiment inférieur, est peint en blanc, sur fond vert ou bleu, un planisphère où l'aire de dispersion naturelle de l'espèce est marquée par une ou plusieurs taches de carmin ou de vermillon. En cas de naturalisation, l'aire de l'espèce est marquée en bleu foncé. De plus, dans l'Ecole de botanique, chaque famille est pourvue d'une étiquette avec planisphère sur laquelle l'aire générale de la famille est marquée au carmin. La teinte de celui-ci est d'autant 35 plus intense, plus foncée sur les diverses régions, que les espèces de la famille y sont plus nombreuses. Par ce nouveau procédé, l'aire de dispersion, soit des espèces, soit des familles, est indiquée d'une façon plus exacte, plus complète et plus frappante que par l'ancienne méthode... (23) ».
Les années suivantes, l'herbier est mis en ordre; il s'enrichit des collections de Du Mortier et d'autres encore ; l'herbier belge est soigneusement révisé (220 cartons, avec 22 134 feuilles); dès 1878, des espèces alpines vivantes, que Crépin va le plus souvent recueillir lui-même dans les montagnes de la Suisse, du Tyrol, du Piémont, sont réunies et plantées sur des rocailles; une petite tourbière artificielle est consacrée à des essais de culture de plantes de la campine et de l'Ardenne; les serres se peuplent de nombreuses espèces nouvelles; la serre de la Victoria regia est transférée du Parc Léopold au Jardin botanique; un jardin d'hiver est édifié, puis agrandi (de manière à abriter, entre autres, les belles Fougères arborescentes qui s'y trouvent encore, don de M. P. Binot, de Pétropolis); une serre des Orchidées, une serre des cactées sont construites, celle-ci recevant, notamment, la riche collection de Gaspard Demoulin, de Mons, qui fut donnée au Jardin par sa veuve, en 1882; l'ornementation du Jardin n'est pas négligée. En même temps, des spécimens vivants sont distribués, avec la plus grande générosité, aux autres établissements d'enseignement : Ecole vétérinaire de l'État, Ecole d'horticulture de Mons, etc.; et, durant la trop courte existence du Ministère de l'Instruction publique, ce fut encore le Jardin qui alimenta, presque seul, les jardinets scolaires, si utiles pour l'instruction et la moralisation de l'enfance, et qu'un changement d'orientation politique fit si tôt disparaître.
Grâce à l'acquisition de meubles, de bocaux, d'alcool, etc., la collection des produits végétaux put être classée, installée et exhibée. La bibliothèque fut réorganisée et, malgré l'exiguïté des crédits, le nombre des ouvrages y devint plus que triple, ce qui semblerait incroyable, si l'on ne savait que Crépin fit don au Jardin de tous ses livres de botanique; le nombre des publications périodiques reçues quadrupla, surtout par suite de l'adjonction de celles de la Société royale de Botanique, à laquelle le Jardin sert de local. De même, la Société belge de Microscopie, le Club alpin belge y reçurent l'hospitalité. En 1885, le Jardin donna temporairement asile, dans deux chambrettes situées sous les combles, au Laboratoire d'anatomie et de physiologie végétales de l'Université de Bruxelles (qui les quitta en 1891 pour devenir l'Institut botanique). Plus tard, le Musée forestier de l'État trouva aussi place dans les salles du Jardin botanique, agrandies et transformées, tandis que de nouvelles salles, plus vastes et mieux aménagées, étaient construites pour les herbiers et la bibliothèque.
Enfin, sur la proposition de MM. Errera et Massart, une collection éthologique et même une ébauche de collection phylogénique furent organisées dans les « Ecoles » du Jardin, en 1900. Ainsi, non seulement par son propre labeur et par son inlassable sollicitude, mais encore en encourageant les initiatives qui lui semblaient intéressantes, Crépin n'a cessé de travailler au développement du grand établissement qu'il dirigeait.

Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, 1905
Charles Moreau, médecin et botaniste, né à Saulieu.

Le D' CHARLES MOREAU, membre fondateur de la Société, est mort à Saulieu, dans la nuit du 16 au 17 février dernier. Né dans cette ville en 1808 où en 1809, il quitta ses montagnes pour aller à Paris achever ses études. Là il put suivre les cours de botanique d'Achille Richard. Vers 1852, ayant obtenu le diplôme de docteur en médecine, il revint se fixer à Saulieu, où son père avait exereé la médecine. Le principal du collège, M. Lombard, zélé amateur de botanique, lui inspira le goût des plantes, goût qui pouvait être amplement satisfait dans cette région montagneuse du Morvan, et où Saul et M. Boreau avait encore laissé de si belles découvertes à faire. Souvent notre confrère nous a entretenu de ces riches localités morvandiennes que nous voyons fréquemment citées dans la Flore du Centre de la France. En 1848, après la révolution de février, il devint maire de Saulieu, puis conseiller général de la Côte-d'Or. Survint le coup d'état sur lequel il ne cacha pas sa pensée; devenu suspect, il y eut un arrêt d'expulsion rendu contre lui.
II arrivait en Belgique en janvier 1852 et ne tardait  pas à être interne à Saint-Hubert, où déjà s'était fixé un autre réfugié politique, M. P. Joigneaux.
Forcés de renoncer à la lutte et en attendant des temps meilleurs, ces deux hommes s'adonnèrent exclusivement à l'étude. M. Joigneaux reprit ses travaux d'agronomie, et le Dr Moreau, tout en faisant un peu de médecine gratuite, s'appliqua à la flore des Ardennes. Bientôt nous associâmes nos recherches botaniques et chaque année nous fîmes ensemble de longues explorations dans les diverses parties du pays. Ces courses faites avec cet excellent ami nous ont laissé d'agréables souvenirs et sa pensée restera toujours associée aux belles plantes recueillies en commun et aux lieux pittoresques que nous avons visités ensemble. Moreau était un vrai montagnard, vigoureux de corps et d'esprit, aux manières simples, et avec un cœur dévoué. Il ne ménageait pas ses forces pour rendre services à ses amis et pour venir en aide aux malheureux qui réelamaient les soins de son art.
Aussi, nous sommes convaincu que tous ceux qui l'ont bien connu le regretteront sincèrement. Notre confrère possédait les bonnes traditions scientifiques; il lisait beaucoup et ne restait étranger à aucune branche des sciences.
Mais s'il aimait de lire, il ne publiait pas volontiers. Il a cependant aidé M. Joigneaux, dans la rédaction du Dictionnaire d'agriculture pratique, dans la Feuille du Cultivateur, et dans la publication d'un Herbier du Cultivateur; enfin il a donné un petit traité de médecine populaire intitulé : Le médecin des campagnes.

Après l'amnistie générale, il aurait pu librement rentrer en France, mais il préféra rester à Saint-Hubert, où il s'était entouré d'amis, et où il s'était acquis beaucoup de considération. Il se contentait, chaque année, de faire une visite à sa famille établie à Saulieu.
Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique - 1868

Pierre JOIGNEAUX (Ruffey-lès-Beaune, 23 décembre 1815 - Bois-Colombes, 25 janvier 1892) : Journaliste au  Journal du PeupleCorsaire, Charivari, L'Homme libre..., opposant à  Louis-Philippe, condamné en 1838 à quatre ans de prison. Fondateur de  journaux et revues savantes consacrées à la viticulture. Elu extrême gauche.à l’Assemblée constituante, en 1848.  . Opposant à de Louis-Napoléon Bonaparte, expulsé et réfugié en Belgique à Saint-Hubert. Député de la Côte d’Or de 1871 à 1889,  sénateur de 1891 à sa mort.


 


 
suite

fevrier 2009