ROCHEFORT


 
 

Histoire

Faits et divers en... 1914

Journal de guerre de l'abbé Enclin, curé de Tellin.

Dimanche 9 août

L'imagination surexcitée voit des espions partout, des uhlans(*) aussi. On parle de l'affaire des trappistes de Saint-Remy, près de Rochefort. Les uhlans auraient installé la télégraphie sans fil sur le toit de l'abbaye. Actuellement l'enquête se poursuit, et lorsque l'on aura des preuves certaines de la trahison, le monastère sera détruit et les religieux fusillés!

A. Fourneau  écrit, dans son "Histoire d'une communauté cistercienne en terre de Famenne"( 57, 2002):
"...les gens ont appris que'une avant-garde allemande composée de quatre husards s'est présentée à la porterie dès le 5 août  et quelle  y a été bien  recue. Le lendemain, c'est une cinquantaine de civils allemands expulsés de chez eux qui se restaurent à l' abbaye. Tout cela explique la suspicion de la population rochefortoise envers cette communauté réputée germanophile. On la soupçonne de cacher des Allemands , de faire de l'espionnage par TSF. "

(*): Lanciers dans les anciennes armées allemandes, ici, il s'agit vraisemblablement de cavaliers utilisés comme éclaireurs, chargé de couper les fils télégraphiques, six avaient été capturés  près d' Havelange le 5 août, une dizaine pres d' Assesse, le 6, et un groupe de deux cents était signalé pres d' Haversin.
Mardi 11 août
Les Allemands étaient signalés sur divers points des Ardennes. Six à Sept cents hussards occupaient les gares de Rochefort et de Jemelle
(55, 1914)
Mercredi 12 août
témoignage de l'abbé Paillot:
"Des cavaliers allemands arrivent à Rochefort, dans l'avant-midi, : ils arrêtent le doyen Pieltain et le bourgmestre Jaspar et les incarcèrent à l'hôtel Biron ; à Han-sur-Lesse, dans l'après-midi, le curé Stavart est arrêté et retenu à l'hotel belle-vue ; à Ave, les cavaliers se brisent contre des barricades que viennent d'élever les dragons français ; 3 allemands sont tués et inhumés dans une clôture voisine (ils seront exhumés en 1916). Pendant la nuit, le docteur Mousny , d'Eprave, est mandé à Han pour soigner des blessés allemands."
(Paillot, Albert, Lessive, village de la Lesse,  Namur, 1961)

"dès le 12 au matin, Rochefort est occupée par une avant-garde d'une centaine de cavaliers"

( Ch.Limbrée et les élèves de 6èlme gténérale,  Une région de la Famenne dans la tourmente de 1941-1918)(62, 1984)
Jeudi 13 août

Vers 9 heures du matin, les Allemands arrêtent à nouveau le curé de Han, 12 civils dont le bourgmestre Lannoy, et le docteur Mousny : ils les ligotent et les emmènent à Rochefort ; les otages de Rochefort, qui ont été libérés le matin, sont repris et sont l'objet de sévices. Le doyen libéré vers minuit ; le bourgmestre de Rochefort , le curé et les civils de Han, le docteur Mousny sont libérés le vendredi matin. Eprave et Lessive, en dehors des grand'routes, ne virent pas d'incidents. (51, 1961)

Vendredi 28 août (**)

Des nouvelles sinistres arrivent d'un peu partout qui édifient sur les procédés des troupes d'Allemagne. ...Les doyens de Rochefort et de Wellin aurait été molestés; le curé de Forrière aurait été à deux doigts de la fusillade et le curé de Han-sur-Lesse, garotté, promené à Rochefort avec quelques-un de ses paroissiens.

"Après la bataille de Maissin (1) et de la forêt de Luchy, des français purent s'échapper : il y avait environs 125 soldats français(2) commandés par un sergent (3). Avec eux, marchant une grande et forte femme, Mme Malicet, de Nouzonvillz ( près de Charleville ) et son mari, un civil, Léon Lamkin, de Lessive, les a vus, débouchant du bois de Lessive, à Audrumont ; ils ont traversé la Lesse  et franchis le bief sur le petit pont du moulin et ils se sont dirigés vers la gare d'Eprave. A la gare se trouvait un piquet de soldats allemands : les Allemands se sont cachés en dessous des bancs de la gare! Par l'Espérance, les Français ont rejoint la grand'route Rochefort-Ciergnon, ils sont arrivés au chateau de Frandeaux, où ils ont passé trois jours. Del la ils se sont rendus à la Baraque(4), pavillon de chasse située entre Ciergnons, Montgauthier et Fenffe. Ils y sont restés jusqu'au 5 septembre 1914,  ravitaillés par les gens du Ry de vachaux, des gens de Rochefort, par les pères bénédictins de Ligugé qui étaient alors à Chevetogne. Ils allaient à la chasse et tiraient du gibier. Le 31 août,  ils ont rencontré dans les bois de Houyet des officiers allemands qui chassaient : ils ont blessé mortellment un officier allemand. Alors, les officiers allemands ont placardé des affiches mettant leurs tête à prix. Les Pères de Chevetogne, aidés de l'abbé Nicolas, de Forzée, se sont employés à les faire passer en Hollande (5), via Maestricht : ils ont réussi. "(51,1961)

(**) Les Allemands ont fait leur entrée à Bruxelles le 20 août et le siège de Namur du 21 au 23 août.
(1) bataille de Maissin les 22 et 23 août 1914
(2) de Mangin, coupés de leurs corps lors de la bataille de Maissin.(54, 1946, cité par Médecin de la Grande Guerre )
(3) 120 soldats, avec à leur tête le maréchal des logis Taborelli. (53, 1937)
(4) appelée "la baraque des Français",  incendié par les Allemands, reconstruite en 1928, et qui servit, dès le début de 1944, d'hôpital aux maquisards blessés ou malades. (54, 1946 )
(5) Ils  auraient rejoint  par petits groupes les lignes françaises, d'autres resteront encore de longs mois cachés dans nos bois. (53, 1937)

Mercredi 30 septembre

Des cavaliers allemands sont repassés par Grupont, venant de Rochefort et se dirigeant vers Saint-Hubert.

Lundi 5 octobre

Le canon a tonné toute la nuit.Hier, à Rochefort, on aurait réquisitionné cinq mille (!!) bouteilles de vins, -de vin rouge, ont toujours soin de spécifier les allemands, - et dix milles cigares (!!).

Mercredi 7 octobre 1914

Nouvelles affiches de Son excellence Von des Goltz . Défense absolue de circuler à bycyclette.


mardi 13 octobre

Ordre a été donné, ces jours derniers de tenir libres tous les chemins aboutissants à Marche, Saint-Hubert et Rochefort. Cette mesure aurait-elle trait à un recul éventuel?
N.d.E: rappelons que  l'invasion de la Belgique commença le 4 août.

Victor Enclin (1873-1948 ou 1949),





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maj 10/11/2008